L’Arbrette & le Bouleau (Ou Le rêve envolé)

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Il était une fois… Disons qu’il s’agirait d’une « Petite Arbre », parce qu’un arbre c’est grand, c’est fort et ça tient bien tout seul dans toute la maison. Mais une Petite Arbre c’est fragile, ça paraît frêle et maigrelet et surtout si cette Petite Arbre a poussé toute seule tout en haut d’une falaise.

Bien sûr, elle avait un peu de terre pour vivre, mais pas beaucoup et il y avait autour de gros rochers qui risquaient à tout instant de lui tomber dessus. Hé bien, malgré tout ça, le vent, la pluie, la neige ou le verglas, elle a tenu tout le temps.

 

Elle a tenu ! Sûrement grâce à ses longues Racines.

 

Les Unes qui avaient l’air de filer vers le Nord (c’est-à-dire la famille qui s’exila à Guernesey). Deux ans de voyage avec des grandes charrettes, des animaux, des vaches pour le lait et tout et tout ; une vie de bohémiens, tout ça pour conserver leurs idées. Ils ont quitté leur vignoble de Montrachet parce qu’ils voulaient prier comme ils le voulaient, et après, ils n’eurent plus rien du tout, mais KEKSAFĖ !

 

Les Autres, au contraire, montaient très, très haut celles-là. On aurait dit qu’elles voulaient monter au ciel, mais c’est dans les Cévennes qu’elles sont arrivées. Elles étaient très abîmées ces racines, comme brûlées. Elles étaient toutes tordues comme si elles souffraient à en mourir. Mais malgré tout, la Petite Arbre tenait et grandissait quand même. Elle est arrivée à faire un mètre soixante-dix, ce qui n’est pas si mal pour une Petite Arbrette !

 

Seulement voilà qu’un jour, un énorme rocher lui est tombé dessus et lui a fait un mal terrible. Elle était pleine de bleus à l’Ame. Elle a essayé de tenir debout quand même, mais le choc l’avait vraiment à moitié cassée. Elle tâchait cependant de soigner ses branches, de les recoller comme elle pouvait, mais la sève lui manquait.

 

Une fois ou deux, deux Grands Forestiers sont venus lui mettre des pansements de ci, de là, parce que c’était rigolo de voir cette Petite Arbrette, toute seule au sommet de la falaise, frissonnant de toutes ses brindilles sous la neige. Même ses racines étaient glacées, mais elle n’y songeait pas à ses racines. Elle n’avait pas le temps d’y penser. Heureusement, elles étaient si bien enracinées en elle, si profondément qu’elles avançaient quand même, sans qu’elle ne s’en aperçût.

 

Enfin, les deux Grands Forestiers sont revenus et avec beaucoup de choses, de la poudre à canon et tout un matériel et ils sont arrivés à faire débarouler ce rocher jusqu’en bas de la vallée. Ouf ! La Petite Arbrette s’est remise enfin à respirer. Elle a repris toutes ses jolies feuilles tombées et, le soleil revenu, mille petites fleurs de toutes les couleurs sont apparues au bout de ses branches. C’était le « B-o-n-h-e-u-r ». Ses feuilles étaient rouges, les fleurs blanches et le ciel bleu !

 

Là haut, bien sûr, l’air était frais. Tout était calme et silencieux. Seulement,  il y avait un peu de solitude… La voyant comme ça, toute seule en haut, les Forestiers dirent : « Et si on plantait d’autres arbres à côté ? ».

Ce qui fût fait. Ils arrivèrent avec un grand Bouleau, bien feuillu qui avait que deux racines cachées sous le tronc, mais il avait l’air de vouloir protéger la Petite Arbrette.

Là haut, il y avait souvent beaucoup de grands coups de vent qui emmêlaient, leurs branches, entrelaçaient leurs feuilles. On aurait dit qu’ils s’embrassaient !

Les forestiers qui les voyaient disaient : « Comment ces deux arbres, là au-dessus de la falaise et au bord de l’abîme, arrivent à tenir debout et à fleurir dans ces cailloux ? ».

 

A force de s’emmêler, de mélanger neige, verglas ou canicule qu’arriva-t-il ? Je vous le donne en mille : sur les racines (les longues qui montaient vers le Nord, les tordues des Cévennes et les deux du Bouleau), on vit tout à coup pousser de Petits Rejets –des petites pointes verdissantes–  un peu fragiles peut-être, mais qui, elles aussi, tenaient le coup malgré les éléments.

 

Dans tous ces feuillages merveilleux, les nids devinrent nombreux, les oiseaux chantaient. Il y avait de quoi émerveiller les gens, car dès que le soleil brillait, c’était des « Alleluia » sans fin qui fusaient dans la montagne. On venait spécialement pour voir ce spectacle et ce concert.

 

L’hiver, par contre, les ailes cassées, les pattes brisées venaient s’y réfugier. Alors on pouvait entendre des « Eli, Eli, lama sabactami » douloureux et gémissant. Mais dès que ça allait mieux, ils s’envolaient pour d’autres horizons lointains en chantant « Je reviendrais, je reviendrais » !

 

S’ils revenaient, ils gazouillaient sans arrêt pour raconter tout ce qu’ils avaient vu et fait : vu des déserts avec des Berbères. Ces Hommes Bleus que l’on voit si rarement, eux, ils les avaient vus galopant sur des chameaux. Ils avaient vu aussi des édifices blancs avec des tours presque en dentelles, des oasis et des palmiers, ailleurs la mer et ailleurs aussi ces trois énormes pyramides. Enfin, ils n’arrêtaient pas de raconter la beauté du monde entier.

 

Mais un jour, l’Arbrette fut en très grand souci pour son Bouleau, car le tronc de celui-ci était plein de boursoufflures noirâtres, ses feuilles devenaient jaunes et noires et ses branches pendaient vers le sol rocheux comme s’il était malade.  En fait, il était très malade.

 

Les Forestiers revenus là, par hasard, se dirent : « Qu’est-ce qui lui arrive à ce Bouleau, il allait si bien, il supportait froid et tempêtes et aussi, il protégeait la Petite Arbrette d’à côté ». Ils le soignèrent bien, mais rien à faire, rien n’allait, il se mourrait. Les oiseaux ne voulaient plus venir et l’Arbrette avait un tel souci que ses jolies fleurs rouges ou blanches devinrent des sortes de billes gluantes qui empoisonnaient les oiseaux.

Mais que fallait-il faire ?

On pria alors le Grand Charpentier de venir donner son avis. Le Grand Charpentier regarda et dit : « Passez-moi la hache et la scie, il n’est plus bon qu’à être brûlé ». Et ce fût l’horreur. L’Arbrette cria, se débattit, perdant ses feuilles elle aussi. Elle semblait dire :

« Arrêtez de le tuer ! C’est Mon Arbre, je veux le garder »

 

Mais il y a des contes qui finissent mal. L’arbre tomba, on l’ébrancha et on l’emporta dans la vallée sur un tas de bois à brûler.

L’Arbrette alors, dépérit tout doucement et le vent, un jour, arriva quand même à la déraciner. Elle glissa jusqu’en bas dans la vallée sur un tas de bois à brûler mais, le Bouleau était là. Ils s’étaient retrouvés.

A tous les deux, sous des milliers d’étoiles,

ils firent ensemble

un Immense Feu de Joie

qui devint un feu d’artifice,

qui illumina toute la vallée,

et les gens qui le virent murmurèrent tout bas :

«  C’est divin »

L’Arbrette et le Bouleau

 

ou

le Rêve envolé